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 Excursion >> Provence

Il est superflu d'insister sur l'attrait que les pays composant l'ancien monde romaine exerce sur nos esprits peu familiarisés avec les paysages ensoleillés. N'a-t-on point depuis une dizaine d'années déjà fréquenté les rivages de la Méditerranée depuis Gibraltar jusqu'à l'Asie Mineure? Et pourtant, si l'on excepte une brève incursion en Arles au retour d'un mémorable voyage en pays Cathare, la région où la civilisation romaine s'implanta le plus tôt chez nous, à savoir la Provence, était jusqu'ici demeurée à l'écart de nos itinéraires. Il était grand temps de réparer cette lacune. Précisons toutefois que la Provence que nous venons de découvrir n'est pas tout à fait celle que le guides touristiques consacrent le plus de place. Il s'agit en effet de la Haute Provence, ou plus exactement de la Provence rhodanienne, car notre curiosité s'est limité à la partie orientale de la "Provincia", celle ou précisément les vestiges de la présence romaine demeurent plus nombreux et les plus significatifs. Sans doute la Méditerranée n'a-t-elle été entrevue que de façon très fugitive, presque accidentelle et est-elle apparue un peu comme une étrangère dans ce programme. En revanche, les gens du nord que nous sommes ont trouvé au cours de ces quatre journées les traits qui constituent pour eux les caractéristiques essentielles de la Provence : une luminosité légendaire, un paysage où les petites plaines sont encadrées par des chaînes montagneuses calcaires, un climat chaud et estival, voisin parfois de l'aridité mais dont le mistral par bonheur fut exclu pendant notre séjour, une végétation où dominent les oliviers aux troncs noueux, les platanes majestueux et les cyprès protecteurs, sans oublier les villages étagés serré autour d'une forteresse, nobles vestiges d'un passé prestigieux.

LES TROIS SOEURS DE PROVENCE

C'est vraisemblablement par La Provence, et plus précisément par Marseille que le christianisme pénétra en Gaule. Même si l'on considère comme une pieuse légende l'arrivée de Lazare et de ses soeurs Marie-Madeleine et Marthe sur le rivage des Saintes Marie de la Mer aux environs de 35, on doit admettre comme très probable l'introduction de la nouvelle doctrine - aussi bien d'ailleurs que des cultes orientaux voués à Mithra ou à la Grande Mère phrygienne - par Massilia, en raison des relations actives et constantes que ce port entretenait avec Rome et avec l'Asie. En tout cas la tenue d'un concile à Arles en 314 atteste déjà l'importance de l'évangélisation dans la région. Vers 410, Jean Cassien, formé à l'école des Pères du Désert et des ermites de Palestine et d'Egypte débarqua en Provence et y développa la vie monastique. Très vite les abbayes pratiquant la règle de Saint Benoît se multiplient dans les vallées de l'Huveaune, à la Sainte Baume et dans les îles de Lérins. Aux XIème et XIIèmess siècles, au lendemain des dernières invasions, se produit une renaissance religieuse et le réveil de la vie monastique va de pair avec un renouveau architectural qui s'exprime par l'apparition d'églises romanes. Parmi les ordres récemment apparus qui participent à ce mouvement les Cisterciens venus de Bourgogne jouent un rôle primordial. C'est à eux que l'on doit les trois grandes abbayes dont la parenté artistique est si manifeste qu'on les a appelées les trois soeurs provençales.

Le rayonnement, tant du point de vue spirituel qu'architectural, a beaucoup contribué à nous attiré vers cette région de la Provence et même à faire de ces fondations cisterciennes le pivot de notre excursion. A l'exemple de celles-ci, note compte rendu donnera la priorité" à ces trois abbayes et sera ordonné autour d'elles. Il existe deux interprétations de la vie monastique se traduisant par des concepts artistiques qui se sont affrontés au XII : le luxe adapté à la gloire de Dieu et l'aspiration à la simplicité, autrement dit la conception de Suger et celle de Saint Bernard. Nos guides ses sont évertués à nous rappeler les origines de l'ordre cistercien et à nous expliquer les fondements d'une spiritualité en réaction avec la pratique clunisienne. De ces fondements découlent un certain nombre de principes qui nous ont été remarquablement exposés au Thoronet. En 1098 une vingtaine de moines bénédictins conduits par Robert de Molesme vint s'installer dans le désert de Citeaux pour réaliser un retour rigoureux à l'idéal de Saint Benoît transgressé au cours des siècles par la feréquentation et les tentations du monde. Les chapitres généraux" de l'ordre cistercien, inspiré par Etienne Harding préconise une discipline sévère, excluant tout superflu, pour ne conserver que le stricte nécessaire et imiter la pauvreté du Christ. La vie du moine est basé sur un équilibre entre la prière et le travail manuel ainsi réhabilité. La pénitence retrouve toute sa noblesse car elle est source d'épanouissement intérieur.

Un renoncement aussi poussé pour les vanités du monde devait conduire à des réalisations architecturales reflétant l'ascèse et le dépouillement imposées aux moines. La sobriété des formes et la simplification des lignes deviennent la règle d'or en matière artistique. L'ordre cistercien n'a sans doute pas créé à proprement parler un style artistique bien répertorié, mais il a apporté une sensibilité esthétique aboutissant à des conceptions spécifiques dans la construction des établissements monastiques. On a souvent dit que les règlements cisterciens se sont assez peu préoccupés de l'architecture, si ce n'est pour prescrire la pureté et l'austérité, et que Saint Bernard a réservé ses critiques les plus violentes contre les décorations auxquelles il reproche d'être en raison de leur coût élevé, des insultes à la pauvreté évangélique et aussi des objets de distraction détournant le moine de la prière et de la contemplation. En fait la réalité est un peu plus nuancé. Retenons seulement quelques principes de la construction cistercienne. D'abord, le monastère doit être implanté dans un lieu isolé, de préférence dans une zone de forêts et de marécages, à proximité d'une source en raison du rôle purificateur de l'eau, et ne comportant que des bâtiments indispensables à la vie de la communauté, tous compris à l'intérieur de la clôture de façon à ce que les moines n'aient pas de contact avec l'extérieur. Le parti d'austérité conduit à rechercher une simplicité extrême. L'église elle-même, édifiée sur la partie la plus élevée des terrains et réservée aux seuls moines et convers, doit se soumettre à la règle du dépouillement : le clocher est aboli, ainsi que le déambulatoire, encore qu'il y ait des exceptions par exemple à Pontigny. Pour la même raison les vitraux sont remplacés par des grisailles. L'élément essentiel est le cloître, généralement disposé au sud de l'église, bien que ce soit loin d'être toujours le cas. Ainsi dans nos trois abbayes provençales le cloître est un des lieux où soit apporté quelques entorses au principe général d'orientation; il se trouve ainsi au nord, dans le prolongement du croisillon septentrional du transept, où se développe successivement l'armorium (ou bibliothèque), la salle capitulaire - la pièce la plus noble et la plus soignée du monastère parce que les moines y faisaient de longs séjours, souvent carrée, en contrebas et ouvrant sur le cloître par plusieurs arcades -, puis un escalier pour gagner le dortoir, enfin le chauffoir, tandis que le réfectoire est relégué au nord du cloître.

Nous verrons maintenant comment ces dispositions se vérifient dans nos trois abbayes que nous étudierons dans l'ordre où nous les avons découvertes.

ABBAYE DU THORONET

Le Thoronet est l'aînée des trois celèbres monastères provençaux, puisqu'il fut fondé en 1136 sur un domaine donné aux moines de Mazan (aujourd'hui en Ardèche) par Raymond Béranger, comte de Barcelone et marquis de Provence. Mais l'établissement ayant été transporté vers 1146 à une vingtaine de kilomètres de son site primitif, la construction des bâtiments fut réalisée entre 1160 et 1190. Les donations affluent rapidement, l'abbaye connut son apogée au XIVème siècle, puis subit ensuite un déclin régulier. Au début de la Révolution, lorsque l'abbaye fut vendue, il ne restait plus que sept moines. L' église abbatiale, simple et trapue, apparaît parfaitement conforme à l'exigence cistercienne de sobriété absolue aussi bien pour l'extérieur que pour l'intérieur.

Abbaye du ThoronetLes trois travées de la large nef, couverte en berceau brisé, sont prolongées par une quatrième de même hauteur au carré du transept, qui présente par contre des arcs plus élevés. Les bras du transept , voûtés de la même manière, comportent chacun deux chapelles. Le choeur, très court, plus bas que la nef, est composé d'une travée droite également d'une voûte en berceau brisé et se termine par une abside semi-circulaire.
Sur les collatéraux, une' voûte en quart de cercle vient contrebuter la voûte centrale. La façade ouest, dépourvue de portail, est éclairée seulement par deux petites fenêtres surmontées d'un oculus. Au carré du transept, un modeste clocher de pierre en forme de pyramide, refait au XIVème siècle, domine un étage ajouré d'une baie en plein cintre sur chaque face. Le cloître est un chef d'oeuvre d'austérité, presque de rusticité. Il n'en reste pas moins que sa merveilleuse harmonie soulève une admiration sans réserve. Sa forme même est inusitée : un trapèze, plus large au nord qu'au sud, ce qui est dû à une forte dénivellation du terrain.
Cette situation explique aussi que la galerie méridionale soit au niveau du sol de l'église, tandis que les trois autres galeries se trouvent en contrebas. Le mur très épais est percé d'arcades en plein cintre recoupées par des arcades géminées portées par un puissante colonne supportant un chapiteau assez fruste surmonté lui-même d'un tympan ajouré d'un oculus. Pour pénétrer dans la salle capitulaire, on doit descendre quatre marches. Elle ouvre sur le cloître par une porte encadrée de deux baies divisées en trois arcades en plein cintre séparées par des colonnes géminées. La salle, entourée de trois gradins servant de sièges pour les moines pendant la tenue du chapitre, est couverte de six croisées d'ogives reposant, d'une part sur deux colonnes médianes, et d'autre part sur les murs au moyen de culots très simples.

Le dortoir est une vaste dalle couverte en berceau brisé et éclairée de chaque côté par d'étroites fenêtres en plein cintre. Dans l'aile nord, aujourd'hui en ruines, étaient installés le chauffoir, le réfectoire et la cuisine.

ABBAYE DE SILVACANE.

Silvacane présente beaucoup d'analogie avec le Thoronet, et c'est part comparaison avec cette dernière abbaye qu'il faut la décrire, encore que l'austère beauté de la construction n'engendre pas, reconnaissons-le, une émotion comparable. Cependant , fondée par des moines venus de Morimond (en Bourgogne) en 1146 et édifiée avec quelques années de retard par rapport au Thoronet (entre 1175 et 1230) à une époque où dans la France du Nord l'art gothique atteint déjà son apogée, l'abbatiale de Silvacane occupe une place spéciale dans le roman provençal par son raffinement. Le souci de la perfection y apparaît sans doute plus qu'ailleurs et la qualité de l'appareil (la belle pierre du Lubéron) contribue probablement à l'impression d'une belle réussite.

Entre les deux églises abbatiales, les nuances sont assez légères. Même plan, même mode de couverture. On peut quand même signaler qu'à Silvacane la façade occidentale comporte un portail surmonté d'un tympan. D'autre part, le carré du transept est couvert d'une voûte d'ogives, encore assez grossières, dans les chapelles du croisillon sud du transept marque l'introduction de ce type nouveau de voûtement en terre provençale (vers 1180). Le cloître, élevé dans la seconde moitié du XIIIème siècle, conserve encore l'aspect massif du roman et reflète l'humilité cistercienne, mais il y a plus d'harmonie et même de finesse dans l'exécution des galeries : les robustes arcades sont toujours recoupées en deux arcs, mais des colonnettes doubles d'une certaine élégance ont pris la place de la puissante colonne du Thoronet. La salle capitulaire, qui ouvre sur le cloître par une porte très simple encadrée de deux baies géminées en plein cintre, est couverte comme au Thoronet de six voûtes d'ogives soutenues par deux colonnes. -l'une est cantonnée de quatre colonnettes, l'autre est agrémentée d'une cannelure torsadée- surmontées de chapiteaux décorés de feuilles d'eau. A l'extrémité de cette galerie prolongeant le croisillon nord, la salle dite "des moines" est une vaste salle couverte par six voûtes sur croisées d'ogives recourbées. La grand cheminée justifie sa dénomination de chauffoir.

A l'étage, sur le même côté, le dortoir, couvert d'un long berceau brisé, et éclairé par une double rangée de baies en plein cintre, est aujourd'hui compartimenté en plusieurs salles. Sur le côté nord, le réfectoire, reconstruit à l'époque" gothique (entre 1420 et 1425) est une grande nef unique divisée en quatre travées couverts sur croisées d'ogives.

L'ABBAYE DE SENANQUE

Senanque, la seule des trois abbayes où soit rétablie la vie monastique -six moines venus de Lérins ont en effet depuis 19888 renoué avec la tradition cistercienne- est aussi une fondation des moines de Mazan, qui vinrent s'installer dans cet étroit vallon en 1148.La construction de l'abbatiale est le résultat de deux campagnes. La première (1060-1078) éleva le sanctuaire , le transept avec ses quatre chapelles et dressa les murs extérieurs de la nef. Celle-ci et les collatéraux datent de la seconde, terminée en 1200. Cette abbatiale est l'un des très rares exemples d'église non-orientée. En raison de la configuration du terrain, le chevet est en effet tourné vers le nord, et il s'ensuit que les bâtiments monastiques, situés à gauche de l'abbatiale, se développent en direction de l'ouest. Même plan cruciforme qu'au Thoronet et à Silvacane. Signalons toutefois quelques particularités : une coupole sur trompes se dresse à la croisée du transept, et le sanctuaire se termine en hémicycle, à la manière des chapelles des croisillons. Les collatéraux sont couverts de voûtes en berceau brisé rampant, comme à Silvacane. Il n'y a pas davantage de portail principal qu'au Thoronet, mais seulement deux portes latérales. Un petit clocher carré, percé d'une fenêtre en plein cintre sur chaque face, couronne la croisée du transept et permet de reconstituer mentalement celui disparu de Silvacane.

Abbaye de SénanqueLe cloître de Sénanque, qui date de la fin du XIIème siècle, est sans doute le plus harmonieux des trois, peut-être aussi le plus chargé de symbole, à coup sûr celui qui répond le mieux au besoin de paix et de sérénité dont a besoin le moine au cours de sa méditation. En dépit de de sa robustesse et de sa simplicité, il apparaît beaucoup plus décoré que l'église. Les quatre galeries sont voûtées en berceau plein contre avec des doubleaux carrés. Les supports sont disposés avec une symétrie parfaite : quatre piliers carrés massifs sont situés aux angles; de chaque côté, douze arcades réparties trois par trois sous des arcs de décharge encadrés de piliers rectangulaires et séparés par des colonnettes doubles sous des tailloirs uniques, qui présentent des chapiteaux à décoration végétale très fine. La salle capitulaire, située en contrebas, ouvre sur le cloître par deux doubles baies encadrant une porte étroite. Ici encore, deux piliers, cantonnées de quatre colonnettes, partagent la salle en six voûtes gothiques surbaissées s'appuyant d'une part sur des piliers et de l'autre s'enfonçant directement dans le mur. Le chauffoir, voûté d'arêtes, produit une singulière impression de puissance avec une colonne centrale courte et robuste, terminée par un chapiteau à décor végétal; un énorme piédestal cubique est orné à sa base de quatre statues. La présence de deux cheminées, se terminant sur le toit par deux constructions cylindriques, apporte la preuve que la pièce était jadis divisée en deux salles. Au-dessus, le dortoir et une vaste salle en berceau, renforcé de deux gros doubleaux et éclairée par un gros oculus et une série de petites fenêtres en plein cintre.

Nous n'avons pas pu voir le chapitre qui, par une disposition assez rare chez les Cisterciens, est situé parallèlement au cloître, côté ouest. En effet, cette salle, d'ailleurs refaite au siècle dernier, n'est plus accessible au public depuis le retour des moines qui en ont fait la chapelle de leur petite communauté. Pour conclure la visite et conserver de notre passage un souvenir autre que d'ordre architectural, notre guide, comme celle du Thoronet, nous chanta un psaume. La qualité de l'acoustique ne nous permit pas seulement d'apprécier la pureté de ces voix féminines sans doute très travaillées, amis nous rappela aussi que les Cisterciens attachaient un grand prix aux chants sacrés.

MARSEILLE.

La passion monastique n'est pas toujours une passion exclusive. Au risque de passer pour de mauvais disciples de Saint Bernard, nous confessons sans repentir que notre passage chez les Cisterciens ne nous avait pas fait perdre le goût des oeuvres profanes. On verra par ce récit que le reste de l'excursion ne saurait être considéré comme une série de distractions choisies simplement dans le but de mieux mettre en valeur les réalisations de l'art cistercien. La variété du programme devait plutôt apporter la preuve d'un éclectisme bien affirmé.

Dès notre arrivée à Marseille, alors que le soleil commençait à se lever sur le Vieux-Port, nous sommes partis à l'assaut de la cité phocéenne. Cette matinée marseillaise, qu'on aurait pu concevoir comme une aimable introduction à notre séjour provençal, permettant un contact rapide -le seul- avec le littoral méditerranéen, fut en réalité sauvé de la banalité par l'érudition et la gentillesse de Martine, notre jeune guide, qui réalisa le tour de force de nous donner en quelques heures beaucoup plus qu'un aperçu superficiel de l'agglomération en adaptant à nos goûts le circuit succinct et impersonnel qu'elle était chargée de nous présenter. D'emblée, elle planta le cadre historique en rappelant que Marseille fut fondée vers 600 avant Jésus-Christ par des Grecs venus de Phocée, cité ionique d'Asie Mineure, qui en firent rapidement le comptoir le plus actif de la côte ligure. L'alliance avec Rome contribua longtemps à sa prospérité, et lorsqu'en 121, les Romains eurent fondé la Province de Gaule, Massilia resta une république libre, alliée à Rome. S'étant prononcée pour Pompée pendant la Guerre Civile, la ville, vaincue par César, perdit sa flotte, ses remparts et son empire maritime, mais conserva son statut privilégié de ville fédérée, demeurant pendant trois siècles encore le centre de la culture grecque en Gaule. Au Moyen-Age, les Croisades favorisèrent le renouveau de sa prospérité commerciale, et la ville, devenus commune, forma une sorte de république, administrée par des consuls. Elle se donna au comte de Toulouse en 1220, puis dut reconnaître la suzeraineté de Charles d'Anjou en 1252. Après avoir souffert de la rivalité entre Angevins et Aragonais, Marseille se releva sous le règne du roi René. Jusqu'à cette époque, la ville avait toujours été tournée davantage vers la mer que vers la France, et la situation ne changea guère après l'annexion de la Provence au temps de Louis XI, en 1482. Marseille, qui avait conservé son vieil esprit d'indépendance, se révolta à plusieurs reprises, ce qui conduisit Louis XIV à lui ôter ses derniers privilèges en 1660. Mais, grâce à un commerce actif avec le Levant, Marseille connut aux XVIIè et XVIIIè siècles un remarquable essor. 

Partie de la Canebière, la fameuse artère qu'on peut considérer comme le phare de l'activité marseillaise, la promenade nous mena pour commencer à la nouvelle cathédrale de la Major. L'architecte parisien Léon Vaudoyer en fit les plans à la demande de Mgr. Mazenod -devenu depuis peu Saint Eugène- et il en débuta la réalisation en 1852, puis il chargea son élève Henri Espérandieu de poursuivre son oeuvre, qui fur terminée par Henri Révoil en 1874. Cet édifice imposant, le plus vaste élevé en France au XIXè s. -142 mètres de long; 60 mètres de hauteur sous la coupole- est de style romano-byzantin, avec des assises de pierres alternativement blanches et vertes. La façade, devant laquelle Mgr. de Belzunce, le grand évêque du XVIIIè s., accueille les visiteurs, est flanquée de deux tours surmontées d'un dôme. Le plan est celui d'une croix latine; sur le déambulatoire, s'ouvrent six chapelles.

A proximité, se trouve la Vieille Major, construite au XIè s, sur l'emplacement d'un ancien baptistère du Vè s, qui était le plus important de toute la Gaule (22 à 25 mètres de côté). C'est un magnifique exemple d'architecture romane dont on peut encore voir des morceaux d'origine, mais qui, malheureusement, a été affreusement mutilé au siècle dernier au moment de l'édification de la nouvelle cathédrale. A partir de la cathédrale, on reprit le car pour accomplir à travers le vieux Marseille un circuit ponctué de nombreux arrêts, mais rempli d'obstacles, qui ne fut possible que grâce à l'exceptionnelle virtuosité de notre chauffeur. On passa ainsi successivement, à peu près dans l'ordre suivant, devant :
- l'église Sainte Catherine, XVIIè s. le Palais de Justice, datant des années 1856-1862, dont la façade principale comporte un portique monumental de six colonnes ioniques. la Vieille Charité, hôpital désaffecté dont le dôme en pierre, de forme elliptique a été élevé en 1671 sur les plans du célèbre architecte et sculpteur Pierre Puget, dont l'origine marseillaise est rappelée par un buste que nous avons aperçu au passage.
- Notre-Dame des Accoules, belle église gothique du XIIIè s, détruite sous la Révolution et dont il ne reste que la tour-clocher, qui comporte une base carrée surmontée de deux étages octogonaux. l'Hôtel de Cadu, élevé en 1535, la plus vieille bâtisse de Marseille. l'église des Carmes, XVIIè s. Saint Cannat, ancienne église des Dominicains, devenue église paroissiale au début du XIXè s, dont le clocher a été refait au XVIIè s. sur une base ayant appartenu à un ancien édifice médiéval. Une longue pause a été ensuite observée au pied de l'église Saint Laurent sur une terrasse offrant un magnifique panorama sur le Vieux-Port étendu à nos pieds et sur l'ensemble de la rade. Les deux forts qui encadrent l'entrée du Vieux-Port apparaissent comme l'affirmation de l'autorité royale sur la ville de Marseille. Au nord, le Fort Saint-Jean tire son nom d'une ancienne commanderie d'Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (autrement dit l'Ordre de Malte) établie sur cet éperon avant le XVIIè s. Déjà au XVè s, le roi René avait construit la puissante tour carrée afin de garder l'entrée du port. Elle fut complétée en 1644 par la Tour du Fanal qui devait servir de tour de guet. Louis XIV y ajouta le fort, construit de 1668 à 1671.

Au delà, on aperçoit les installations du nouveau port, la Joliette, qui double l'ancien depuis le milieu du XIXè s. Sur le côté sud, Louis XIV décida d'édifier une citadelle dans le but de prévenir toute menace de rébellion de la part de Marseille; elle fut réalisée entre 1661 et 1664. En se tournant de l'autre côté, vers l'intérieur, on se trouve en face de la partie basse de la ville qui fut après la dernière guerre l'objet d'une vaste reconstruction à laquelle participa l'architecte Fernand Pouillon qui adopta le principe d'immeubles relativement bas dotés de nombreux balcons pouvant ménager des vues sur le port. En descendant sur le Vieux-Port, on passa devant l'église St. Ferréol, construite par les Augustins Réformés au XVIè s. Elle n'est désignée sous ce vocable que depuis 1803, après la destruction pendant la Révolution d'une ancienne église portant ce nom.

On emprunta ensuite le Quai des Belges, le coeur de Marseille, lieu de promenades et de traditions. C'est là que se tenait jadis le marché au poisson. On laissa à gauche le Vieil Arsenal, construit au XVIIè s, désaffecté au XVIIIè s. et cédé en 1781 à la ville qui le revendit à un groupe de spéculateurs qui lotit les terrains. Du même côté, la Basilique Saint-Victor, dont on se contenta pour le moment de remarquer avec curiosité la silhouette massive à l'aspect de forteresse. A droite se dresse au coeur d'un parc le Palais du Pharo, construit sur des terrains donnés par la ville de Marseille à Napoléon III qui avait été séduit par le spectacle de la rade au point de vouloir s'y réserver une résidence. Le palais fut surélevé afin d'y abriter l'Ecole de Médecine. Il est devenu le siège des services techniques de la municipalité. On escalada alors la Corniche du Pharo qui offre des vues superbes sur une côte très découpée formée d'une série d'anses correspondant à la pénétration de la Méditerranée dans le massif de la Garde. En contrebas, se développe toute la rade de Marseille, dont les joyaux sont le château d'If et les îles du Frioul. L'îlot d'If semble à portée de main. Il est distant effectivement d'un kilomètre et demi et présente une valeur stratégique de premier plan qui n'échappa pas à François 1er. C'est pourquoi ce dernier y fit édifier le célèbre château qui occupe presque tout le rocher et qui fut illustré par le séjour de Mirabeau ainsi que par les récits d'Alexandre Dumas. Quant aux deux îles formant la rade du Frioul, à savoir Pomègues au nord et Ratonneau au sud, elles sont reliées par la digue du Berry, longue de 360 mètres, construite entre 1822 et 1825. Pomègues servit aux XVIIè et XVIIIè siècles de quarantaine pour les bateaux entrant dans le port de Marseille.

Dans l'une des nombreuses calanques de la côte, s'abrite la plage des Catalans, ainsi nommée en souvenir des pêcheurs d'origine espagnole venus s'installer sur ce promontoire au XVIIIè s. Située au sud de la pointe, à l'abri des vents du nord-ouest, cette plage connut dans la seconde moitié du XIXè s, à l'époque de la vogue des bains de mer, une notoriété qui en fit la plage la plus fréquentée de Marseille. On prolongea quelque temps encore, en surplombant les falaises abruptes, cette magnifique promenade sur la corniche, aménagée en 1848 par une équipe de 800 sans emplois et où s'étire sur plus de trois kilomètres un banc qui mérite d'être considéré comme le plus long du monde... Après avoir dépassé le monument consacré à l'armée d'Orient, on parvint au vallon des Auffes, un des sites les plus fameux des abords de Marseille, où, dans une anse se blottit un pittoresque port de pêche. A cet endroit précis, on quitta le littoral pour se diriger vers Notre-Dame de la Garde sous la protection de laquelle se placent traditionnellement les Marseillais. L'origine de cette dévotion remonte au Moyen-Age : en 1212, un ermite nommé Pierre obtint de l'abbé de Saint-Victor l'autorisation d'ériger en ce lieu un oratoire qui dès le XIVè s. fut transformé en église dédiée à Notre-Dame et devint bientôt un centre de pèlerinage.

Notre-Dame de la GardeSur cet aride piton calcaire, situé à 162 mètres d'altitude, Mgr. Mazenod résolut d'élever une grande basilique et il s'adressa à Henri Espérandieu, jeune architecte de 26 ans qui devait diriger par la suite le chantier de la Major. Les travaux durèrent de 1853 à 1864. La grande Vierge dorée placée au sommet de la tour, qui mesure 9m.30 et pèse 900 tonnes, fut installée seulement en 1870, et les grandes mosaïques exécutées vers 1880. Comme à la Major, le style choisi est qualifié de romano-byzantin. La nef avec ses trois coupoles s'inspire en effet des églises romanes du Périgord, tandis que l'allure générale évoque symboliquement l'idée de protection qu'impliquent le nom et la fonction du lieu et qui est affirmée par la haute tour de la façade. La basilique comporte deux parties; une chapelle inférieure, ou crypte, qui exalte la piété et l'humilité de la Vierge; une chapelle supérieure, consacrée à l'entrée de Marie dans le royaume de Dieu. La polychromie triomphe partout à l'intérieur, et de même qu'à la cathédrale, l'ensemble du pavement est en mosaïque. Toute l'iconographie est vouée à la Vierge; le chef d'oeuvre en est une Annonciation où les souvenirs orientaux sont manifestes. Dans la crypte, les murs des chapelles sont tapissés d'ex-voto en marbre blanc qui traduisent la reconnaissance populaire pour les grâces obtenues par l'intercession de Notre-Dame. Mais la notoriété de Notre-Dame de la Garde ne s'explique pas seulement par des considérations religieuses. Aussi n'avons-nous pas manqué, à la sortie de la basilique, de profiter de cet incomparable belvédère pour découvrir comme sur une carte complètement déployée l'ensemble de l'agglomération (au total 23 000 ha., soit le double de la surface de Paris) qui s'inscrit entre une admirable baie et un amphithéâtre montagneux majestueux.

La dernière visite de cette mémorable matinée fut pour l'ancienne abbatiale Saint-Victor. Nous avions tenu absolument à voir en détail cet admirable édifice en raison de sa place exceptionnelle dans l'histoire religieuse et architecturale du midi de la France. L'abbaye de Saint-Victor, fondée vers 410 par Jean Cassien , est en effet avec celle de Lérins, le plus ancien monastère de la Gaule. Fondation double de part et d'autre du Vieux-Port: une abbaye au nord, placée sous le patronage de Saint Victor, est créée à l'endroit où aurait été enterré Victor, légionnaire romain martyrisé à Marseille peu avant 300; une autre, de femmes, au sud, dédiée à Saint Sauveur, sur le site d'une ancienne carrière qui avait servi de cimetière dès le IIIè s. Une grotte taillée dans le rocher fut le noyau primitif autour duquel fut construite au Vè s. une petite église qui attirait les pèlerins en nombre considérable. Jusqu'au VIIè s, le cimetière connaît un grand développement et les tombes furent disposées sur plusieurs niveaux. Le monastère est détruit au temps des invasions barbares et par la suite repris en main par l'ordre bénédictin. L'abbatiale est refaite et inaugurée solennellement en 1040. St. Victor, qui relève directement du Saint Siège et qui prend la tête de la réforme pontificale dans le sud de la France, connaît alors son âge d'or.

Au XIIIè s, l'église abbatiale est reconstruite, avec des cryptes qui englobent des bâtiments du Vè s. Elle comporte deux niveaux. En pénétrant dans l'église supérieure, on est saisi par une remarquable impression d'équilibre : la nef, composée de quatre travées et flanquée de collatéraux, est couverte de berceaux brisés; le transept et le choeur furent reconstruits après 1362 par Guillaume de Grimoard, ancien abbé de Saint Victor devenu pape sous le nom d'Urbain V, qui par ailleurs renforça l'abside par quatre énormes contreforts crénelés. Du fond de l'église, on gagne les parties souterraines et on se trouve en présence d'un groupe de chapelles servant de soubassement à la partie occidentale de l'église haute. Tout d'abord, Notre-Dame de Confession, remontant au Vè s., tire son nom de la Vierge Noire qui y est conservée et qui fut au Moyen-Age l'objet d'une fervente dévotion populaire. Cette crypte comprend au premier plan trois nefs jumelles voûtées, dont deux bien conservées, et au second plan une vaste salle carrée remarquable par la qualité du décor. A gauche, le confessionnal de Saint. Victor, espace profondément remanié qui fur aménagé au XVIIè s. sur le modèle d'une fausse grotte. Le morceau le plus curieux en est un pilier sans doute refait et portant une étonnante figure gravée en creux datant du Haut Moyen-Age et dans laquelle on a voulu voir Lazare, le premier évêque légendaire qu'on a parfois confondu avec un archevêque d'Aix du Vè siècle qui portait également le nom de Lazare. Un pilier de même facture, décoré du serpent et de l'Arbre de la Tentation se trouve à l'entrée d'un petit corridor correspondant aux Catacombes.

Tout près de Saint Victor, en bordure d'une petite place ensoleillée ouvrant sur le Vieux Port, nous avons goûté -et même apprécié- des échantillons de la cuisine provençale. Enfin par la Porte d'Aix, nous avons pris congé de Marseille en emportant l'impression que l'excursion avait démarré de façon magistrale. Faut-il considérer cette courte visite comme le prélude à une autre plus complète dont l'idée commence à germer dans l'esprit de nos amis? ...

GLANUM ET LES ANTIQUES

Mausolé de GlanumAu premier millénaire avant Jésus Christ, la Provence est le pays des Ligures. Avant celle de l'occupation romaine, ce peuple subit deuxinfluneces : celle des Celtyes arrivés par la vallée du Rhônne (les Ligures "deviennent" les Celto-ligures) et celle des Grecs installés à Marseille depuis 600 av J.C. Au II av J.C., les Celto-Ligures constituent une féératiion dont fait aprtie Glanum. En 123 av J.C., les Romains appelés par les Marseillais battenty les Celto-mligures et créent Aix en Provence. En 49 abv J.C, Jules César se rend maître de Marseille: en 45 Glanum obtient la création d'un ordo (comparable à nos conseils municipaux dont les membres ont l citoyenneté romaine). En 270 ap J.C., les invasions germaniques effacent Glanum ed la carte et naît alors Saint Rémy de Provence GLANUM. La présence d'une plaine fertile au nord, de carrières de pierres calcaires permirent à Glanum de prendre de l'importance d'autant qu'elle se trouve à proximité de deux voies romaines, l'une menant d'Italie en Espagne par l'intérieur, l'autre menant en Italie par la côte. Les ruines de Glanum reflètent trois périodes de construction : une période préromaine (ou gallo-grecque) et deux périodes gallo-romlaines, l'une débutant vers 120 av. J.C., l'autre après la prise de Marseille par Jules César. C'est ainsi que le forum original, son temple, des habitations disparurent sous un vaste forum et que furent construits une basilique et deux temples sur un remblai important qui protégea en particulier des mosaïques et des peintures antérieures. Ce nouveau forum fut ensuite embelli et un bâtiment administratif à deux niveaux fut élevé contre la basilique.

Arc de GlanumA l'entrée nord de Glanum, nous avons pu admirer ce que l'on nomme les Antiques. L'arc fut élevé au tout début de l'ère chrétienne : il en manque la partie supérieure. Quatre groupes de captifs gaulois encadrent la baie unique dont les arcs portent sur les deux faces une bande décorative de fruits et de rameux surmontée de victoires ailés. La voûte est décorée de caissons hexagonaux ornés chacun d'une fleur et bordée de rinceaux de fleurs ou de fruits. Vers 30 av. J.C., fut édifié le MAUSOLEE par trois frères de la famille des Julii pour honorer la mémoire de meurs père et grand-père dont les statues se trouvent placées dans la tholos. Le grand-père fut officier de Jules César qui lui accorda la citoyenneté romaine. Le socle carré est orné de bas reliefs.
Deux représentent des combats d'infanterie et de cavalerie. Les deux autre font référence aux textes antiques grecs. Le premier illustre la chasse au sanglier -dévastateur et meurtrie qu'Artémis envoya au pays de Calydon pour en punir le roi : la bête, après avoir tué deux chasseurs, fut blessé d'une flèche par Atalante et achevée par le fils du roi. Le dernier bas-relief illustre un combat victorieux contre les Amazones et la glorification du vainqueur. La clef des arcs du quadrillons porte une tête ailée entourée de rinceaux. La frise est décorée sur trois faces de tritons et de griffons encadrant un soleil, et sur la dernière de tritons et de dragons .

Bibliographie :
Glanum et les Antiques. (Guide Archéologique de France) Imprimerie Nationale. Glanum et les Antiques : Les dossiers de l'Archéologie n°140.

LES ALPILLES

Sur le plateau des Alpilles, qu'on n'a pas de peine à se représenter en été écrasé par un soleil de plomb, on s'est trouvé transporté d'abord au coeur de l'antiquité romaine, puis en plein Moyen Age. Après la station à Glanum, dont le récit est conté par ailleurs, et le passage à Saint-Rémy, qui conserve le souvenir de Nostradamus et de Van Gogh, hospitalisé au monastère St Paul de Mausole en 1889-1890, mais dont nous n'avons guère vu que les boulevards extérieurs plantés de platanes, nous sommes parvenus aux Beaux. Siège au Moyen Age d'une puissante seigneurie qui donna bien du fil à retordre aux comtes de Provence avant de passer aux mains du roi René qui le donna à sa femme Jeanne de Laval, le fief des Baux fut érigé au XVIIème siècle en marquisat au profit de la famille Grimaldi. Le château qui domine un éperon calcaire avait été taillé partiellement dans la pierre, ainsi que les remparts. Depuis que Louis XIII en ordonna la démolition en 1632, la place n'est plus qu'une modeste bourgade déchue où les ruines et les rochers se mêlent intimement.

Certains esprits chagrins regretteront bien sûr qu'une telle merveille de la nature soit insultée par une exploitation commerciale qui atteint son point culminant pendant la saison estivale. Malgré les vagues touristiques dont le site, qui embrasse un panorama exceptionnel, est l'objet, la vieille cité délabrée conserve une fière allure, et les vestiges qu'on rencontre chemin faisant témoignent d'un passé glorieux. Ainsi la porte Eyguières, la Maison des Porcelets (XVIème siècle) avec une grande salle voûtée d'origine et des fresques du XVIIème siècle, ou encore la jolie façade de l'Hôtel de Manville (1571). Quant à l'église Saint Vincent, située sur une charmante place d'aspect provençal, elle date du XIIIème siècle et faisait partie primitivement d'un prieuré relevant de Saint Paul de Mauisole. La sobriété de l'édifice est attestée par une façade très simple comportant un portail roman sans tympan et par un clocher dépouillé de tout ornement. La nef romande (fin XIIème siècle) est couverte d'un berceau brisé et flanquée au sud d'un bas-côté en berceau plein cintre.

ENTRECASTEAUX

Sur le site où se dressait avant la présence romaine un oppidum celto-ligure, émerge aujourd'hui, au sommet d'un socle rocheux, un château à la façade austère qui forme avec le village qui lui fait face un ensemble typiquement provençal. Le domaine d'Entrecasteaux a appartenu successivement à plusieurs famille. Les plus anciens propriétaires furent les Châteaurenard qui y avaient déjà fait construire un château avant l'an Mil. Une branche de la maison de Castillane, de grande noblesse provençale, leur succéda du XIIème au XVème siècle. Peu avant 1500, la famille de Grignon s'installe par mariage à Entrecasteaux. L'un d'entre eux transforme la forteresse primitive en château d'agrément qui fut presque entièrement ruiné par un incendie en 1600. A la fin du XVIIème siècle, le propriétaire en est François Adhémar de Monteil, comte de Grignon, qui avait épousé en troisièmes noces en 1669 Marguerite de Sévigné, la fille de la célèbre marquise. C'est lui qui fit reconstruire le château, mais sa fortune étant limitée, il dut se contenter d'une résidence d'été en genre de bastide. Devenu en 1670 lieutenant général du roi en Provence et ayant fait transformer la baronnie d'Entrecasteaux en marquisat (1678), ce grand seigneur menait un train de vie supérieur à ses moyens, si bien que, ruiné, il dut en 1714 vendre le château à Raymond de Bruni, trésorier général de France, dont la famille s'était enrichie dans le commerce avec les Indes, et qui devint titré par cet achat. Ces nouveaux seigneurs d'Entrecasteaux se sont illustrés de manière diverses. Le vice-amiral d'Entrecasteaux (1737-1793) a laissé son nom à un détroit situé au sud de l'Australie et périt au cours de l'expédition dont l'avait chargé Louis XVI à la recherche de La Pérouse. Il était le petit fils de Raymond. Le neveu du marin, Jean-Baptiste (1758-1785) fut le déshonneur de la famille : après deux tentatives manquées, il réussit à assassiner sa jeune épouse, Angélique-Pulchéric de Castellane et mourut incarcéré à Lisbonne.

Château d'EntrecasteauxL'aînée des filles de ce triste personnage ayant épousé Jean-Pierre de Lubac, cette famille devint propriétaire du château au lendemainde la Révolution et y demeura jusqu'à ce que, ne pouvant plus l'entretenir, elle le vendit à la commune d'Entrecasteaux en 1949. Charge trop lourde pour une municipalité sans grandes ressources et qui conduisit le château au bord de l'écroulement. Ouvert au pillage, il était à la veille de s'effondrer lorsqu'il fut racheté en 1974 par la famille écossaise Mac Garvc-Munn, qui avec l'aide des pouvoirs publics en entrepris courageusement le sauvetage. La visite de la bâtisse nous a permis de constater qu'en dépit de ses remaniements successifs, le château a conservé une rare unité architecturale. Les transformations du XVIème siècle lui ont donné à la fois une allure fière et austère, qui se traduit par des façades seulement conduites et sans décoration, et aussi une marque d'élégance classique de style Louis XIV grâce en particulier au jardin à la française dessiné par Le Nôtre. L'intérieur reflète également cette ambivalence. D'une part le caractère rustique de la demeure est révélé par les salles basses voûtées ayant servi de prison puis de greniers à grains, ainsi que les cuisines et les communs qui conservent leur mobilier des XVIème et XVIIème siècle. D'autre part, un raffinement, voisin d'un luxe imité des appartements de Versailles, s'affirme aussi bien au rez-de-chaussée dans la salle Louis XIV et dans un salon Louis XVI où sont reproduits des meubles du château de Chantilly qu'à l'étage dans la chambre dite de la marquise et dans la salle consacrée au vice-amiral d'Entrecasteaux.

Circuit en Haute Provence

En sortant d'Entrecasteaux, on prit la direction du nord. Après Aups, la route s'élève et devient de plus en plus sinueuse. Ce ne sont point encore les gorges du Verdon; on n'en est encore qu'aux abords. Néammoins quelques belvédères réservent des panoramas très étendus ainsi que d'impressionnantes vues plongeantes sur le fond de la vallée. Après Moustiers-Sainte-Marie, centre touristique accroché au flanc des falaises calcaires, qui mériterait certes mieux qu'un rapide passage, on gagna par une route étroite, tracée à travers cette végétation aride propre aux paysages méditerranéens, la petite ville de Riez, ancien évêché, qui a consacré des vestiges gallo-romains et paléo-chrétiens fort intéressants, situés heureusement en bordure de notre chemin! Cet emplacement privilégié nous a permis de voir un baptistère mérovingien où la cuve baptismale est entourée de huit colonnes corinthiennes disposées de façon circulaire, ainsi qu'un peu plus loin quatre colonnes surmontées de chapiteaux corinthiens qui faisaient partie d'un temple romain de la fin du Ier siècle après Jésus Christ.

Traversant ensuite le plateau de Valensole, nous sommes passés tout près de Gréoux-les-Bains, paisible station thermale réputée pour ses eaux chaudes sulfureuses, et nous avons regagné notre base d'Aix-en-Provence.

AIX EN PROVENCE

Aix, capitale de la Provence, ville d'art et d'histoire, méritait bien qu'on lui consacrât une longue matinée. Si la fondation d'Aix est ancienne, son expansion est relativement récente. Restée stationnaire pendant tout le XIXè s., la ville, qui n'avait pas 30 000 habitants au début du siècle, dépassait 50 000 au milieu de celui-ci et atteint aujourd'hui 134 000! Fait paradoxal pour notre époque, ce ne sont pas les fonctions industrielles ou commerciales qui sont à l'origine de son essor démographique. Ses trois grandes activités, nous a-t-on expliqué, relèvent du secteur tertiaire : l'activité judiciaire, qui était déjà très importante sous l'Ancien Régime; l'activité intellectuelle : avec 50 000 étudiants, Aix est la troisième université de France, avec une spécialité pour le droit et les lettres; l'activité thermale, qui remonte au XVIIè s., à l'époque où la ville racheta les sources privées.

A l'époque où les Grecs s'installent à Marseille (vers 600 avant Jésus-Christ), la région était occupée par des peuplades ligures, divisées en tribus. Au IIIè s. av. J.C., les Ligures entrent en conflit avec les Grecs de Massalia, et ceux-ci appellent à leur aide les Romains qui commencent alors à s'implanter dans la région. En 123, le Proconsul Caius Sextius Calvinus, après avoir détruit l'oppidum d'Entremont où les Gaulois s'étaient réfugiés, crée le camp militaire retranché d'Aquae Sextiae. C'est l'origine d'Aix qui, un siècle plus tard, est élevé au rang de colonie. A la fin du IIIè s. ap.J.C., la ville devient la capitale de la Narbonnaise, et vers 378 la métropole d'une province ecclésiastique. On sait peu de choses sur la période comprise entre le IVè et le IXè siècles, mais vers 850, Aix fait partie du royaume autonome placé dans la mouvance de l'empire. Cependant , les empereurs allemands, trop éloignés, ne font guère sentir leur autorité sur la Provence, dont les comtes se comportent en véritables souverains. Sous la domination des comtes catalans de Provence, Aix est déjà une capitale politique et judiciaire, ainsi que le centre d'une brillante civilisation où s'épanouit l'art roman provençal.

Après le mariage de Charles d'Anjou, frère de Saint-Louis, avec l'héritière des comtes de Provence, Béatrice, la province, passée aux mains de la Maison d'Anjou, tire profit des aventures napolitaines de la dynastie pour acquérir une certaine autonomie. Le roi René, dernier représentant de cette famille, fonde une Université à Aix en 1469 et passe dans la ville ses dernières années. A sa mort, en 1480, Louis XI se fait reconnaître comte de Provence par les Etats d'Aix (1482). La création du Parlement d'Aix en 1501 confirma l'emprise du pouvoir royal. Le bâtiment construit au XVIè s. pour l'abriter fut détruit en 1778, et les plans que fournit alors Nicolas Ledoux pour sa reconstruction ne furent pas repris avant 1822. L'exposé sur l'historique de la ville fut complété par une promenade axée principalement sur le Quartier Mazarin, ainsi désigné parce que Mgr. Michel Mazarin, frère du Cardinal, qui fut archevêque d'Aix entre 1644 et 1655 -succédant lui-même à Mgr. Alphonse Richelieu, frère du célèbre ministre de Louis XII- joua un rôle déterminant dans l'introduction du style baroque à Aix.

Cours Mirabeau. Sur l'emplacement des anciens remparts, le Parlement d'Aix décida en 1649 de créer une promenade plantée, conçue comme une majestueuse ordonnance architecturale, afin de servir de trait d'union entre le Quartier Mazarin et la vieille ville. Fermé à ses deux extrémités, le Cours mesure 440 mètres de long et va en s'évasant du bas (38 m.) à la tête (44 m.). Un projet de place royale, prévu au centre, n'a jamais été exécuté. On disait que "les gens de qualité s'y promènent en carrosse l'après-dîner, et le soir à pied". La noblesse y marchait au centre, et la roture sur les bas-côtés. L'aspect solennel y a longtemps prévalu en réservant au Cours son caractère résidentiel de luxe et en y interdisant les réjouissances populaires.

Fontaine Monumentale. Installée en 1860. Les trois statues qui l'ornent incarnent trois activités bien représentées à Aix et sa région : Justice, Agriculture et Beaux-Arts. Hôtel d'Arbaud-Jouques. Construit vers 1732 pour un conseiller au Parlement. La façade, de type italianisant, superpose les trois ordres: au rez-de-chaussée, huit pilastres doriques avec une frise discontinue; au premier étage, quatre pilastres ioniques; mais au second étage, quatre chapiteaux corinthiens n'ont pas été exécutés, par suite sans doute d'embarras financiers. Au centre, le monogramme "AJ". Des attributs guerriers ornent la porte d'entrée. Fontaine des Neuf-Canons. Construite en 1691 sur l'emplacement de l'ancienne fontaine Saint-Lazare, elle est approvisionnée en eau par le canal du Verdon. Hôtel de Forbin. Construit en 1626 par Pierre Pavillon pour un conseiller au Parlement, César de Milan, dont les descendants deviendront par alliance "de Milan-Forbin". Façade simple et symétrique, avec superposition des ordres et belle ferronnerie. Hôtel de Cabanes (appelé aussi Hôtel de Caumont). Hôtel entre cour et jardin, comme le précédent, construit et décoré entre 1715 et 1742 pour le marquis de Cabanes, président de la Cour des Comptes. François Bruni, fils d'un industriel marseillais enrichi dans le savon, en devint propriétaire par échange en 1752.La petite-fille de ce dernier y vécut jusqu'à sa mort en 1850. L'architecte en fut Georges Vallon qui, en collaboration avec le sculpteur J.B Rambot, travailla sur des plans envoyés par Robert de Cotte. Par une disposition inusitée à Aix, l'hôtel et les communs sont bâtis en quinconce. Une élégante façade est agrémentée d'un avant-corps central à ordres superposés et d'un balcon de ferronnerie. L'immeuble abrite aujourd'hui le Conservatoire de Musique.

Fontaine des Quatre Dauphins. Elevée en 1667 et décorée par J.C. Rambot, sur le modèle de la fontaine située devant le Palais Barberini, à Rome. Elle est surmontée depuis le siècle dernier d'une pomme de pin. A un angle de la place, la Banque de France occupe l'ancien Hôtel de Valori. A proximité, le Lycée Mignet , anciennement Collège Royal de Bourbon, fut fréquenté par Mignet, Zola, Cézanne, Darius Milhaud, Pagnol, etc. De la place, on aperçoit Saint Jean de Malte, église fortifiée du XIIIè s., qui fut jadis la nécropole des comtes de Provence. Hôtel de Maurel de Pontevès. Construit en 1647 par Pierre Pavillon pour un ancien marchand de draps qui, grâce à sa fortune, avait acheté une charge de parlementaire. La façade en fut modifiée en 1651 quand fut décidé le percement du Cours. La superposition de deux ordres antiques est soulignée par des horizontales et des verticales bien affirmées et des moulures entre les étages. Le morceau de bravoure en est le portail baroque, où le sculpteur Jacques Fossé a fait soutenir le balcon par deux atlantes comparables à ceux de l'Hôtel de Ville de Toulon, oeuvre de Pierre Puget.

Fontaine d'Eau Chaude, dite aussi Fontaine Moussue (1734) est alimentée par la source thermale (34°). Café des Deux Garçons. Sur l'emplacement d'un hôtel particulier, fut l'un des premiers établissements commerciaux ouverts sur le cours Mirabeau (milieu XVIIIè s.). Un simple passage sépare le café de la chapellerie tenue par le père du peintre Paul Cézanne. Au sommet du Cours, la Fontaine du roi René, oeuvre de David d'Angers, remplace depuis 1823 une ancienne fontaine. Le roi René y est représenté tenant une grappe de raisin, en reconnaissance pour avoir introduit le muscat en Provence.

Au delà du Cours Mirabeau, la visite est devenue plus superficielle et les arrêts plus espacés. Quelques oeuvres majeures ont toutefois retenu notre attention : Palais de Justice. Il est bâti sur l'emplacement de l'ancien Palais des Comtes souverains du XVI è s., qui abritait Parlement, Cour des Comptes, Bureau des Finances et Sénéchaussée. Comme on l'a déjà dit, il fut détruit à la fin du XVIIIè s. et reconstruit par Penchaud en 1832. On n'y trouve plus que la Cour d'Assises et la Cour d'Appel. Eglise de la Madeleine. C'est en réalité l'ancienne église du couvent des Dominicains, construite entre 1791 et 1703 par Laurent Vallon, qui est ainsi désignée depuis 1791. Elle renferme de nombreux tableaux religieux, dont un martyre de Saint Paul attribué à Rubens, et surtout le Rétable de l'Annonciation (milieu XVè s), qui révèle une nette influence flamande.

Hôtel de Ville , reconstruit dans le troisième quart du XVIIè s. sous la direction de Pierre Pavillon, assisté des sculpteurs J.C. Rambot et Jacques Fossé, qui ont voulu faire de cet hôtel, ordonné autour de la Tour de l'Horloge, le plus prestigieux d'Aix. La façade est compartimentée par des frontons rectangulaires et courbes qui donnent à l'ensemble une curieuse allure baroque, que des sculptures, aujourd'hui disparues, devaient accentuer. De là, on se dirigea vers la cathédrale, et on rencontra successivement : Hôtel d'Estienne de Saint-Jean, aménagé aujourd'hui en Musée du Vieil Aix, qui est sans doute l'oeuvre de Pavillon, avec une façade, refaite vers 1680 par Vallon père et fils, qui comporte des piliers d'ordre colossal.

Hôtel de Chateaurenard, construit vers 1650 pour un conseiller au Parlement par P. Pavillon, qui fit appel au peintre bruxellois Jean Daret pour exécuter dans la cage de l'escalier d'extraordinaires peintures en trompe-l'oeil (1654). Louis XIV y logea quelques semaines en 1660 en se rendant à Saint-Jean de Luz pour y épouser l'infante d'Espagne Marie-Thérèse. Place de l'Archevêché. Au fond de la place, ouverte au milieu du XVIIIè s., le Palais, dont les bâtiments ont été construits entre 1650 et 1730, a toute la majesté et le faste qui conviennent à la dignité ecclésiastique et politique de l'archevêque d'Aix. Les éléments les plus remarquables en sont la façade occidentale ornée d'un portail colossal (entre 1715 et 1720) et un escalier à double révolution muni d'élégantes balustres de ferronnerie (fin XVIIè s.). La place est égayée par la célèbre fontaine d'Espéluque (1618) adossée à un mur en matériaux romains.

On parvient enfin à la cathédrale Saint-Sauveur, érigée, prétend-on, sur les ruines d'un temple consacré à Apollon. La façade donne déjà une idée du caractère composite de l'édifice : un portail flamboyant (début XVIè s.) est encadré à droite par un mur roman (XIIè s.) et à gauche par un clocher carré à la base, continué par un étage octogonal et couronné d'une balustrade. En entrant, on trouve l'élément le plus ancien : le baptistère (fin IVè s. ou début Vè s.); la cuve de brique, sur plan carré, est encadrée pour obtenir une forme octogonale de huit colonnes de marbre ayant appartenu à un temple romain. La coupole a été surélevée à la fin du XVIè siècle. La construction, commencée en 1285, a englobé la nef d'une ancienne église romane, Saint Maximin, qui forme aujourd'hui le bas-côté droit. L'abside, le transept, la nef portent la marque du XIVè siècle. Le choeur est décoré de 17 remarquables tapisseries de 1511 dues à des artistes bruxellois, qui proviennent de la cathédrale de Cantorbery et furent acquises par le chapitre d'Aix en 1656.

Elles représentent des scènes de la vie de la Vierge et de la Passion. Mais l'oeuvre la plus célèbre de la cathédrale est le tryptique du "Buisson Ardent", commandé par le roi René au peintre Nicolas Froment : dans un paysage provençal, la Virginité de Marie est figurée par un buisson ardent apparu à Moïse. Sur les volets intérieurs, le roi René, et à droite son épouse Jeanne de Laval. Par chance, nous avons pu voir le charmant cloître roman (fin XIIè s.-début XIIIè s.) situé au sud de la cathédrale. Primitivement de forme rectangulaire, il a reçu un plan carré au XVIIè s. Son exceptionnelle légèreté résulte du fait que, n'étant pas voûté, il n'a pas eu besoin d'être appuyé de contreforts. Ses arcatures en plein cintre reposent sur des colonnes jumelées en marbre, surmontées sur trois galeries de chapiteaux historiés (récits tirés de l'Ancien Testament, scènes de la vie du Christ, triomphe de l'Eglise...).

ANSOUIS

Notre voyage continue dans cette belle région que l'on prend tant de plaisir à parcourir. Après Marseille, Les Baux, les Alpilles, les abbayes, les vieux villages!... Nous voici au château d'Ansouis. Nous l'apercevons... et oui... la route grimpe!... car ce château moyenâgeux fut bâti sur un piton rocheux en 960. Il fut construit autour d'un donjon du Xème siècle, et était au départ une forteresse qui fut remodelée au XVIème siècle, agrémentée de jardins étagés en terrasses, pour devenir un château de plaisance. Cette forteresse restaurée par Vauban séduit par son décor classique, comme l'attestent les façades du XVIIème siècle. Il appartient à la famille de Sabran depuis 1160, et n'a jamais quitté cette famille. Ce fut la résidence de Saint Elzéar de Sabran et de quatre futures reines, filles du comte de la quatre futures reines, filles du comte de Provence Bérenger IV. L'entrée est la partie la plus ancienne du château. Elle est consacrée aux armes du XIVème siècle au XVIIème siècle: hallebardes, armures,côtes de mailles, 3 petits canons provenant d'une école militaire, et dans un coin de la pièce un "puits d'évacuation" pour s'enfuir le cas échéant!!. Au mur, des tableaux de famille dont un militaire brillant Jean de Pontevès qui a défendu la Provence" contre Charles Quint.

Château d'AnsouisDans la deuxième salle d'armes, trois cadres de militaires plus récents : le général Pontevès qui a combattu à Sébastopol et qui avait comme devise "Prudence", un général qui a participé à la conquête de l'Algérie, et un brigadier qui a vécu sous le règne de Charles X. A côté la chapelle du XIIème siècle avec un autel baroque italien. Dans la partie habitée la salle à manger est de la Renaissance italienne avec un lustre hollandais; aux murs 5 tapisseries des Flandres dont une avec Louis XIII et Anne d'Autriche. A côté le salon-fumoir avec 2 tapisseries aux armes de la France, un cadre de Charles X et du mobilier Louis Philippe. Puis c'est une chambre avec un petit salon et du mobilier XVIIIème siècle : commode, fauteuils et 2 glaces Louis XVI qui se reflètent pour agrandir la pièce! A côté, un petit passage et une chambre avec mobilier du XVIIIème siècle, un grand cadre de Madame de Grignan, et un buste de Madame de Touzelle. Puis c'est la chambre des seigneurs qui est la pièce la plus importante et la plus habitable au Moyen-Age : le sol est dallé, le lit est un lit d'évêque avec baldaquin. Dans le coin, un coffre de mariage Louis XIV en bois sculpté. Nous finissons par la cuisine qui est restée depuis le XIIIème siècle la cuisine du château. Elle s'est transformée et aménagée au fil des années. Aux murs de nombreux cuivres (casseroles, plats, bassinoires; cafetières, etc...) et deux fontaines toujours en cuivre. Les meubles, dont une panetière, sont du XVIIIème siècle, le buffet est arlésien : c'est un chef d'oeuvre des compagnons. Sur une étagère des boîtes à épices en quantité, des petites lampes à huile appelées "câlines" pour aller se coucher, et... des santons de Provence du XIXème siècle en terre séchée (ce qui ne se fait plus). En quittant ce château qui est dans la même famille depuis le XIIème siècle, on ne peut s'empêcher de penser que c'est émouvant d'avoir pu conserver ce patrimoine qui évoque tous les ancêtres depuis 800 ans!!!

Le LUBERON

La traversée de la chaîne calcaire du Lubéron présente certes des paysages inoubliables. Mais pressés par l'heure, nous n'avons pu, sur la route de Senanque, qu'en avoir une vue superficielle, suffisante seulement pour deviner le charme profond des versants abrupts et des villages étagés au flanc des collines. Avec le secret désir de revenir un jour sur ces lieux pour y séjourner plus longuement, nous avons d'abord rencontré la vallée de la Durance qui, en cette saison n'offre guère que l'aspect d'un mince filet d'eau serpentant au fond des gorges. En revanche, la combe de Lourmarin, qui sépare le Grand Lubéron à l'ouest du Petit Lubéron à l'est, nousest apparu plus riante et plus verdoyante, en raison des violentes averses qui s'étaient abattues sur la région la semaine précédente.

Il n'était pas question de nous rendre actuellement à la célèbre résurgence qu'on appelle la Fontaine de Vaucluse où une inondation récente avait provoqué un grave accident. Mais le spectacle des villages accrochés au rebord du plateau, comme Bonnieux et surtout Gordes, que domine un château Renaissance succédant à uns forteresse construite au XIIè s. par Bertrand de Simiane, apportèrent aux nombreux photographes amateurs de notre groupe une appréciable compensation.

En approchant de Senanque, le spectacle des bories disséminés en bordure de la route fournit au paysage une note locale très particulière. Relevant d'un système de construction d'origine néolithique, ces cabanes, élevées sans fondations, de forme carrée rectangulaire ou circulaire, aux parois faites de pierres plates, et couvertes de voûtes en coupole, ont servi à partir du XVIè s. aussi bien d'habitations que de bergeries. Les murs épais sont percés seulement d'une porte et de quelques fenêtres. L'intérieur, divisé en plusieurs pièces -un espace central au rez-de-chaussée, une chambre à l'étage- révèle les activités des habitants. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de granges ou de remises à outils .

AVIGNON

Nous voici à Avignon ancienne ville "romaine" rattachée à la France à la fin du XVIII. Elle devint capitale de la chrétienté au XIV avec l'installation d'un pape français sous la pression du roi Philippe le Bel en 1305. Cet évènement changea l'aspect de la ville. Palais, églises, couvents furent élevés dans Avignon, qui fut ceinte de nombreux remparts. Le palais des papes (15.000m2) demeure le meilleur exemple de cette prospérité. Forteresse autant que palais, il est l'un des plus beaux joyaux de l'architecture gothique du XIV. Il est le symbole de la puissance de la papauté. Oeuvre principalement de Benoît XII et Clément VI, ce palais a étré construit sur un rocher en deux étapes, qui traduisent le goût, et la personnalité de ces deux papes bâtisseurs. La simplicité cistervcienne du "palais vieux" de Benoît XII en 1335 contraste avec la majesté du palais nouveau de Cément VI. On entre par la cour d'honneur qui est dominée par la très puissante Tour des Anges -son merveilleux décor sert tous les ans pour le festival d'art dramatique qui a lieu en juillet, avec un son et lumière qui évoque le fastueux et turbulent passé.- Ce palais a trois portes d'entrée faites dans les remparts qui sont à demi enterrés. Il fut construit rapidement en 20 ans sous Benoît XII et pendant 40 ans abrita le papes jusqu'en 1403. La première salle visitée est la salle des Festins qui servait 4 à 6 fois par an. Elle a 45 mètres de long et avait des tapis. La charpente en forme de carène de bateau a été refaite. Il y avait des tables, mais peu de meubles. A proximité des salles il y avait deux cuisines avec une hotte rôtissoire de 20 mètres de haut. Dans les appartements privés des papes se trouvent trois tapisseries des Gobelins représentant le baptême du Christ, le lavement des pieds et le miracle du paralytique...

Dans la troisième pièce, le pavement en terre cuite du XIV a été reconstitué. C'était la chambre à coucher des papes. Au mur, des fresques : à côté le bureau du pape avec une charpente en mélèze (imputrescible) d'origine et encore des fresques. Près de cette pièce la sacrisite du pape avec des croisées d'ogives au plafond et des sculptures (copies). La grande chapelle palatine, appelée autrefois chapelle clémentine, est très grande (52X15X20m). C'est la plus grande du monde. Elle est très bien éclairée et faisait l'admiration des contemporains. Elle fut profanée pendant la Révolution. Puis c'est la "Grande Audience", c'est à dire la salle qui est au-dessous de la chapelle. C'est dans cette salle que siégeaient les juges du Tribunal Apostolique ou Tribunal e la Rote. La voûte qui la domine porte encore la fresque des Prophètes peinte par Giovanetti en 1352. Celle du jugement dernier a été totalement ruinée au XIX ainsi que la Cruxifixion représentée entre les deux fenêtres. Après le départ des papes, la ville-état d'Avignon et le comtat Venaissin demeurèrent propriété du Saint Siège , et le Palais servit de Résidence à des légats italiens jusqu'à la réunion de ces territoires à la France en 1791.

Antérieure au Palais des Papes, la cathédrale Notre-Dame des Doms a des origines romanes (milieu XIIè s.) qui, dans l'aspect actuel de l'édifice, n'apparaissent pas évidentes. De cette époque, le clocher n'a conservé que sa base; La tour actuelle, datant du second quart du XVè s, est carrée. En arrière de celle-ci, on aperçoit un gracieux lanternon octogonal. A l'intérieur toutefois, le plan primitif, en dépit de nombreuses modifications, apparaît encore nettement Il comporte trois ensembles. D'abord le narthex, la partie la plus ancienne, est couvert d'une voûte basse en berceau. Ensuite la nef, longue de 23 mètres, est formée de quatre travées inégales, voûtées en berceau brisé; une cinquième travée, tenant lieu de transept, est couverte d'une coupole hémisphérique, réalisée en portant le carré à l'octogone au moyen de quatre trompes en cul-de-four; elle est surmontée d'un lanternon à huit pans. Enfin l'abside, refaite au XVIIè s, est percée de cinq grandes fenêtres en plein cintre. La transformation la plus inattendue et la plus anachronique est celle réalisée dans la seconde moitié du XVIIè s. sur l'ancienne nef romane, à laquelle on ajouta une galerie formant tribune et qui présente le long des murs latéraux une exubérante décoration baroque. A la même époque, fut construite sur le côté sud l'élégante chapelle de la Résurrection, de forme octogonale, couronnée d'une coupole.
Par contre la chapelle dite des Apôtres, qui abrite le tombeau flamboyant du pape Jean XXII avait été ajoutée sous le pontificat de ce dernier (1ère moitié XIVè s.).

Voilà ce que des touristes venus du nord ont découvert en Provence. Ils n'ont certes pas vu le pays avec ce sentiment de supériorité teinté de commisération qui habite trop souvent les hôtes de la capitale qui ne veulent pas comprendre les nuances régionales et refusent de trouver du mérite à tout ce qui ne reflète pas la marque parisienne. Sans doute les grands courants de la pensée et de l'art qu'avaient produits nos régions se sont-ils répandus sur notre territoire à mesure que le domaine royal progressait en direction du sud. Pour ne citer qu'un seul exemple, le fait que l'art gothique, comme on l'a souvent constaté au cours de ce voyage, ne se soit introduit en Provence qu'avec siècle de retard par rapport à l'Ile-de France et que les plus belles réalisations de l'art roman provençal soient exactement contemporaines de la construction des grandes cathédrales gothiques est-il seulement la confirmation d'un esprit routinier réfractaire au progrès technique? Je pense qu'au contraire que la longue résistance à des formules importées du nord est l'attestation irréfutable de l'efficacité de procédés locaux éprouvés et de l'originalité d'un style et d'une pensée qui avaient encore beaucoup de choses à exprimer.

Laissons là un controverse stérile par définition et qui ne pourra convaincre personne. Clamons plutôt notre enthousiasme pour ce que le génie provençal a produit et notre admiration sans réserve devant les chefs-d'oeuvre qui ont résisté aux destructions du temps et des hommes! Nous restons seulement un peu contrariés de n'avoir pu, malgré l'éclectisme d'un programme mené tambour-battant, découvrir qu'un espace géographiquement limité et échantillon si limité de l'âme provençale. Notre consolation est de penser qu'un vaste champ d'investigations demeure à notre portée. Espérons que nous nous en souviendrons et que nous ne tarderons pas à exploiter une mine aussi riche pour le plus grand profit et la plus grande satisfaction de tous nos amis...

Pour plus d'information sur cette région, consultez le(s) site(s)

http://chateau.entrecasteaux.org/
http://www.provenceweb.fr/f/bouches/silvacane/
http://perso.wanadoo.fr/revue.shakti/senanq.htm
http://www.provenceweb.fr/f/bouches/aix/aix.htm
http://www.luberon-news.com/villes-et-villages/index.php
http://www.provenceweb.fr/f/vaucluse/ansouis/ansouis.htm
http://www.provenceweb.fr/f/vaucluse/avignon/avignon.htm
http://www.provenceweb.fr/83/centre-var/abbaye/photoabbaye.htm